Mise à jour : Janvier 2024
Au sommaire
1. La cotitularité du bail d’habitation
- La cotitularité légale des personnes mariées et pacsées
- La cotitularité conventionnelle des concubins
2. La protection civile de la victime de violences conjugales
- L’ordonnance de protection du juge aux affaires familiales (JAF)
- L’éviction du domicile de l’auteur des violences
- Les conséquences de cette éviction
3. Les apports législatifs récents
- Le renforcement de la protection des victimes étrangères
- L’accès au logement social facilité pour les victimes de violences
- Les apports de la loi ELAN : les victimes de violences conjugales dispensées de payer le loyer après leur départ du logement
- La loi du 28 décembre 2019
- La loi du 30 juillet 2020 visant à protéger les victimes de violences conjugales
- Loi du 28 février 2023 crée une aide universelle d’urgence pour les victimes de violences conjugales
Chaque année, environ 216 000 femmes âgées de 18 à 75 ans et 80 000 hommes sont victimes de violences physiques et/ou sexuelles de la part de leur ancien ou actuel partenaire intime (mari, épouse, concubin(e), pacsé, petit-ami(e)…).
La violence à l’égard des femmes, plus connue, est définie « comme une violation des droits de l’homme et une forme de discrimination à l’égard des femmes, et désigne tous les actes de violence fondés sur le genre qui entrainent, ou sont susceptibles d’entrainer pour les femmes, des dommages ou souffrances de nature physique, sexuelle, psychologique ou économique, y compris la menace de se livrer à de tels actes, la contrainte ou la privation arbitraire de liberté, que ce soit dans la vie publique ou privée » (définition donnée lors de la Convention européenne dite d’Istanbul en novembre 2014).
Depuis plusieurs années, les outils de prévention des violences conjugales se développent pour mieux venir en aide aux victimes.
Le plus souvent c’est dans le logement familial que s’exercent les violences conjugales.
Les victimes peuvent décider, soit de rester dans le logement soit d’en partir au risque de se retrouver à la rue avec leurs enfants. Avant d’étudier la protection civile qui s’offre à elles pour être au mieux protéger contre l’auteur de leurs violences, nous définirons leurs droits sur le logement familial.
1. La cotitularité du bail d’habitation
La cotitularité légale des personnes mariées et pacsées
Pour les personnes mariées :
L’article 1751 du code civil prévoit une cotitularité légale : « Le droit au bail du local sans caractère professionnel ou commercial qui sert effectivement à l’habitation des deux époux est, quel que soit le régime matrimonial et même si le bail a été conclu avant le mariage, réputé appartenir à l’un et à l’autre des époux ». Cette double titularité est une disposition d’ordre public. Aucune clause contractuelle ne peut y déroger.
Même non signataire d’un bail, l’époux ou l’épouse a les mêmes droits et obligations que le titulaire en titre.
En cas de séparation, les règles protectrices de l’article 1751 continuent à s’appliquer. Un époux ne pourra disposer, seul, du droit au bail. Lorsque, suite à une ordonnance de non-conciliation ou à un divorce, un des époux souhaite résider séparément et conserver malgré tout le logement, l’attribution préférentielle du bail sera accordée par le juge « en considération des intérêts sociaux et familiaux en cause ». Les éléments pris en considération par les juges sont, par exemple, la garde des enfants ou l’exercice d’une profession dans les lieux loués, pour l’attribution du bail.
Pour les personnes pacsées :
Le pacte civil de solidarité est « un contrat conclu par deux personnes physiques majeures, de sexe différent ou de même sexe, pour organiser leur vie commune. » La communauté de vie implique une résidence commune.
Le droit au bail du local à usage d’habitation des partenaires d’un PACS est aligné sur celui des époux : à la demande des partenaires d’un PACS, il est réputé appartenir à l’un ou l’autre(1).
S’il apparaît une mésentente entre les partenaires et que l’un d’eux décide de quitter les lieux loués en délivrant congé, le bail se poursuit pour le partenaire restant dans le logement qu’il soit ou non signataire du bail. Le locataire sortant reste solidaire jusqu’à ce que la résiliation du PACS produise ses effets ainsi que jusqu’à l’expiration du bail.
En outre, la loi ALUR du 24 mars 2014 prévoit qu’en cas de dissolution du PACS, l’un des partenaires peut saisir le juge compétent en matière de bail (tribunal d’instance) aux fins de se voir attribuer le droit au bail du local, sans caractère professionnel ou commercial, qui sert effectivement à l’habitation des deux partenaires, sous réserve des droits à récompense ou à indemnité au profit de l’autre partenaire (le bailleur est appelé à l’instance). Le juge apprécie la demande en considération des intérêts sociaux et familiaux des parties(2).
La cotitularité conventionnelle des concubins
L’article 515- 8 du Code Civil définit le concubinage comme « une union de fait, caractérisée par une vie commune présentant un caractère de stabilité et de continuité entre deux personnes de sexe différent ou de même sexe, qui vivent en couple ».
Il n’existe pas, en la matière, d’équivalent à la cotitularité du droit au bail prévu pour les époux par l’article 1751 du Code civil.
Lorsqu’un seul des occupants a signé le contrat de location, lui seul est locataire. Le concubin du locataire, qui n’a pas signé le bail, ne bénéficie pas du contrat: il n’a alors aucun droit ni obligation sur la location.
Lorsque les concubins sont cotitulaires du bail, ils bénéficient tous les deux du contrat de location. Chacun est alors considéré comme locataire avec tous les droits et devoirs que cela implique – notamment le paiement du loyer et des charges, des réparations locatives etc.
Lorsqu’ils se séparent, ils ne disposent pas de l’ensemble des dispositifs juridiques dont bénéficient les couples mariés et pacsés.
- Si le titulaire du bail décide de se maintenir seul dans les lieux, cela ne soulève aucune difficulté particulière ; le contrat se poursuit dans les mêmes conditions. Lorsque les concubins s’accordent pour que celui qui n’est pas titulaire du bail demeure dans les lieux, les règles applicables en matière de bail d’habitation trouveront à s’appliquer, à savoir la délivrance d’un congé pour résilier le bail en cours et la conclusion d’un nouveau Cela implique d’obtenir l’accord du bailleur pour le changement de locataire.
- Si les concubins cotitulaires d’un bail décident de se séparer, les tribunaux ne leur reconnaissent pas le droit de demander l’attribution du bail. Le juge, en l’absence de disposition légale, n’est pas compétent pour statuer sur la jouissance du logement loué après la séparation d’un couple en concubinage. Cependant, les concubins peuvent s’accorder sur le sort du bail et décider que l’un d’entre eux en demeurera seul titulaire. La situation peut être source de conflit lorsqu’il n’y a pas d’accord
Dans le cadre des violences conjugales, les victimes, n’ayant aucun droit sur le bail, comme nous l’avons vu précédemment (exemple pour la concubine non signataire du bail), peuvent bénéficier d’un droit provisoire sur le logement familial en cas d’ordonnance de protection.
- (1) Code Civil: article 1751
- (2) Code Civil: article 1751-1
2.La protection civile de la victime de violences conjugales
L’ordonnance de protection
L’un des moyens de protection de la victime de violences conjugales, est l’ordonnance de protection instituée par la loi du 9 juillet 2010 relative aux violences faites spécifiquement aux femmes, aux violences au sein des couples et aux incidences de ces dernières sur les enfants.
Cette ordonnance spécifique doit permettre de stabiliser la situation des victimes de violences conjugales, ces dernières étant confrontées à de nombreux obstacles susceptibles de les contraindre à demeurer dans cette situation (présence d’enfants, absence de logement où s’installer, irrégularité du séjour…).
Procédure:
Sans attendre l’engagement d’une procédure pénale, le juge aux affaires familiales, saisi par la victime (si besoin assistée) ou, avec l’accord de celle-ci, par le procureur, peut délivrer en urgence une ordonnance de protection3, lorsque des violences sont exercées au sein du couple ou par un ancien conjoint, concubin ou partenaire.
La saisine du juge par la personne demandant cette ordonnance s’effectue :
- soit par assignation sous la forme d’un référé (acte établi et délivré par un huissier de justice, par lequel le demandeur prévient son adversaire qu’une procédure judiciaire est ouverte contre lui . Cet acte, dans lequel sont exposés les motifs de la demande, accompagnée de toutes pièces justificatives, doit être remis à son adversaire et directement au président du tribunal en cas d’urgence) ;
- soit par requête (lettre, rédigée sur papier libre, dans laquelle sont exposés les motifs de la demande, accompagnée de toutes pièces justificatives).
- (3) Code civil: articles 515-9 à 13
Des formulaires de requête sont disponibles dans les points d’accès au droit.
En raison de l’urgence de la situation, le législateur allège la charge de la preuve pour la partie demanderesse en précisant qu’il appartient d’apporter des éléments sur la vraisemblance des violences alléguées et le danger auquel elle ou/et les enfants sont exposés (conditions cumulatives).
Cette ordonnance est prise, après audition des parties (les auditions peuvent avoir lieu séparément), par le juge aux affaires familiales, s’il estime, au vu des éléments produits, que la situation de violences et de danger est avérée.
NB: Peuvent demander une ordonnance de protection toutes les victimes de violences au sein du couple (homme ou femme) vivant en France, quelles que soient leur nationalité et leur situation juridique de séjour en France. |
Mesures ou interdictions de protection :
L’ordonnance permet de mettre en place des mesures d’urgence, comme :
- l’éviction du conjoint violent (sont concernés les couples mariés, mais également les partenaires d’un Pacs et les concubins) quelque soit le régime juridique de l’occupation;
- la fixation de certaines interdictions au conjoint violent (recevoir et rencontrer certaines personnes ou d’entrer en relation avec elles, de détenir ou porter une arme et ordonner sa remise) ;
- l’autorisation pour la victime de dissimuler son domicile et d’élire domicile chez l’avocat qui l’assiste ou la représente ou auprès du procureur de la République ;
- la prise en compte de la situation des enfants exposés à ces violences, au travers de l’adoption de mesures provisoires en matière d’exercice de l’autorité parentale, d’attribution de la jouissance du logement conjugal, de contribution aux charges du ménage ;
- l’admission provisoire à l’aide juridictionnelle….
Les mesures fixées sont provisoires et durent 6 mois à compter de la notification de la décision aux parties. Certaines mesures peuvent toutefois être prolongées au delà, et ce, qu’une saisine du juge aux affaires familiales soit intervenue avant ou après la notification de l’ordonnance de protection. En effet, et avant que les violences ne soient dénoncées, les parties ont pu former une demande pour mettre un terme à leur union : demande en divorce, séparation de corps, ou fixation des mesures relatives à l’autorité parentale pour les autres formes d’unions. A l’inverse, ces demandes peuvent intervenir après le prononcé de l’ordonnance de protection.
Dans les deux cas, les mesures fixées à l’ordonnance de protection produisent leurs effets jusqu’à ce que la décision du JAF pour statuer sur les demandes relatives à la fin de l’union soit définitive.
Ces mécanismes s’expliquent par le but premier de l’ordonnance de protection, à savoir «protéger» la victime.
NB: L’ordonnance peut se prononcer sur l’admission provisoire à l’aide juridictionnelle de la partie demanderesse, en application du premier alinéa de l’article 20 de la loi no 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique (article 515-11 du code civil). |
L’éviction du domicile de l’auteur des violences
L’article 220-1, alinéa 3, du Code civil et la loi de 2004 permettent l’éviction du conjoint violent.
La loi du 4 avril 2006 vient renforcer l’efficacité de la mesure d’éloignement en étendant l’interdiction du domicile commun aux pacsés et aux concubins et en prévoyant à tous les stades de la procédure pénale une sanction immédiate en cas de non respect de l’interdiction.
L’ordonnance permet à un juge d’expulser l’auteur de violences du domicile conjugal, avant toute condamnation et en urgence.
Le conjoint, le partenaire lié par un Pacs ou le concubin violent dont l’expulsion du domicile est ordonnée par le juge aux affaires familiales dans le cadre d’une ordonnance de protection ne peut invoquer les diverses garanties procédurales retardant l’expulsion prévues dans le cadre du code des procédures civiles d’exécution.
Dès lors les intéressés ne peuvent faire valoir les dispositions qui prévoient :
- le bénéfice du délai de 2 mois suivant la délivrance d’un commandement de quitter les lieux4;
- la possibilité d’obtenir des délais renouvelables lorsque le relogement ne peut avoir lieu dans des conditions normales5;
- le sursis à exécution de la mesure d’expulsion pendant la trêve hivernale, qui court du 1er novembre de chaque année au 31 mars de l’année suivante6.
Les conséquences de l’éviction
Le non respect des obligations ou interdictions imposées dans l’ordonnance de protection par l’auteur des violences est puni par la loi.
L’article 266-4 du code pénal « punit le conjoint violent, le partenaire lié par un pacs ou le concubin pour s’être introduit ou s’être maintenu dans le domicile conjugal » (violation du domicile conjugal).
Le non-respect des obligations prévues par l’ordonnance :
« Est également réprimé d’une peine de deux ans d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende le fait, pour une personne faisant l’objet d’une ou plusieurs obligations ou interdictions imposées par le juge aux affaires familiales, de ne pas s’y conformer » (non respect des mesures imposées par l’ordonnance de protection).
- (4) Code des procédures civiles d’exécution: article L;412-1 5
- (5) Code des procédures civiles d’exécution: article L.412-3 6
- (6) Code de la construction et de l’habitation: article 613-3
3.Les dispositions législatives récentes
Le renforcement de la protection des victimes étrangères
Depuis la loi du 9 juillet 2010 qui a introduit la procédure de l’ordonnance de protection prononcée par le juge aux affaires familiales, le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile a été modifié pour protéger les victimes étrangères, qu’elles soient en situation régulière ou irrégulière, mariées, pacsées ou vivant en concubinage.
Lorsque la victime étrangère bénéficie d’une ordonnance de protection en raison de violences commises par son conjoint, pacsé ou concubin, l’autorité administrative doit lui délivrer « dans les plus brefs délais » une carte de séjour temporaire portant la mention « vie privée, vie familiale ». Il s’agit donc d’une obligation sauf dans le cas où sa présence pourrait constituer une menace à l’ordre public.
Cette carte de séjour temporaire ouvre droit à l’exercice d’une activité professionnelle, sauf si sa présence constitue une menace à l’ordre public.
De la même façon, le titre de séjour arrivé à expiration de l’étranger qui bénéficie d’une ordonnance de protection est renouvelé de plein droit, sauf menace à l’ordre public.
En matière d’aide juridictionnelle, en principe, sont admises à son bénéfice:
- Les personnes physiques de nationalité française et les ressortissants des états membres de l’Union européenne ;
- Les personnes de nationalité étrangère résidant habituellement et régulièrement en
Par exception, l’article 3 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique prévoit que les étrangers peuvent en bénéficier sans condition de résidence dans certaines situations. C’est le cas notamment des étrangers bénéficiant d’une ordonnance de protection.
En outre, la personne étrangère victime de violences au sein du couple bénéficiaire d’une ordonnance de protection est exonérée de toute taxe et du droit de timbre lié à la délivrance, au renouvellement, au duplicata ou à une modification des titres de séjour (7).
- (7) Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile: article L.311- 18
L’accès au logement social facilité pour les victimes de violences
Pour faciliter l’accès au logement social des personnes victimes de violences, la loi du 9 juillet 2010 puis la loi du 24 mars 2014 pour l’accès au logement et un urbanisme rénové (ALUR)1, permettent que seules leurs ressources soient prises en compte lors d’une demande de logement social. Ainsi lorsque le demandeur d’un logement social est, notamment dans une situation d’urgence, attestée par une ordonnance de protection délivrée par le juge aux affaires familiales, les seules ressources à prendre en compte sont celles du requérant au titre de l’avant dernière année précédant celle de la signature du nouveau contrat.
Cette disposition est également applicable aux personnes mariées, pacsées ou vivant maritalement lorsque l’une d’elles est victime de violences au sein du couple attestées par le récépissé du dépôt d’une plainte par la victime.
Cet assouplissement vaut également dans le cadre d’une procédure de divorce. Cette situation peut être attestée par une ordonnance de non-conciliation ou, à défaut, par une copie de l’acte de saisine du juge aux affaires familiales.
Ceci permettra de faciliter l’accès au logement social, notamment des femmes victimes qui n’ont pas bénéficié d’une ordonnance de protection.
Dans ces cas, la circonstance que le demandeur bénéficie d’un contrat de location au titre du logement occupé par le couple ne peut faire obstacle à l’attribution d’un logement.
NB: Pour faciliter l’accès à un logement universitaire des étudiant(e)s majeur(e)s victimes de violences protégé(e)s ou ayant été protégé(e)s par une ordonnance de protection et qui sont inscrit(e)s dans un établissement scolaire ou universitaire, une convention doit être passée entre l’Etat et les centres régionaux des œuvres universitaires et scolaires (CROUS) pour leur réserver un nombre suffisant de logements. |
Par ailleurs si une demande a été déposée par l’un des membres du couple avant la séparation et qu’elle mentionnait l’autre membre du couple parmi les personnes à loger, l’ancienneté de cette demande est conservée au bénéfice de l’autre membre du couple lorsqu’il se substitue au demandeur initial ou lorsqu’il dépose une autre demande dans le cas où le demandeur initial maintient sa propre demande.
Dans le cadre du 5e plan de lutte contre les violences faites aux femmes, une instruction interministérielle du 8 mars 2017 donne pour instructions aux services de l’État de mettre en place une
série de mesures incitatives pour favoriser l’accès au logement des femmes victimes de violences familiales,
spécialement dans le cas où elles sont accompagnées d’enfants. L’instruction met notamment l’accent sur les points suivants :
- prendre en compte le besoin de traitement particulier des situations d’urgence des femmes victimes de violences, attestées par une décision judiciaire, pour
- (1) Code de la construction et de l’habitation: article L.441-1
procéder à l’attribution en urgence d’un logement sur le contingent de logements réservés de l’État ;
- donner aux bailleurs sociaux des indications afin que les dispositions légales facilitant l’accès au logement social des personnes séparées soient effectivement appliquées (dispositions précédemment mentionnées);
- placer à un niveau élevé la cotation du critère « victime de violence » dans les grilles de cotation des demandes de logement du contingent préfectoral ;
- insister sur la mise en œuvre des obligations imparties aux collectivités territoriales et à l’Action Logement sur leurs logements réservés dans le cadre du droit au logement opposable (DALO) ;
- inciter les partenaires de la réforme de la politique intercommunale des attributions à prendre en compte ce public dans leurs documents programmatiques et contractuels ;
- développer les résidences
Les apports de la loi ELAN : les victimes de violences conjugales dispensées de payer le loyer après leur départ du logement
Publiée au journal officiel du 24 novembre 2018, la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique dite « loi ELAN » vient apporter une innovation majeure en matière de protection des victimes de violences conjugales.
En effet, l’article 136 de la loi ELAN insère un nouvel article 8-2 au sein de la loi du 6 juillet 1989.
Cette disposition crée une exception au principe de solidarité entre conjoints et partenaires de PACS, dès lors que diverses conditions sont réunies.
Le nouvel article 8-2 de la loi de 1989 prévoit que le départ du logement d’une victime de violences conjugales fait cesser la solidarité entre les locataires, permettant ainsi au membre du couple victime de violences de ne pas régler sa part des loyers.
Pour que la victime des violences conjugales soit délivrée de son obligation de payer les loyers, elle doit en informer le bailleur par lettre recommandée avec avis de réception, en accompagnant cette lettre d’information d’une copie de l’ordonnance de protection délivrée par le juge aux affaires familiales ou d’une copie de la condamnation pénale de son conjoint ou partenaire pour des faits de violences conjugales.
Inconvénient : il peut se passer plusieurs semaines voire plusieurs mois entre la saisine du juge aux affaires familiales et la délivrance d’une ordonnance de protection, de même qu’entre le dépôt d’une plainte et la condamnation pénale de l’auteur des violences conjugales. Ainsi, les victimes de violence restent tenues de payer les loyers durant quelques mois au moins, après leur départ du logement.
La cessation de la solidarité n’est, certes, pas immédiate mais demeure plus avantageuse que de devoir payer les loyers jusqu’au prononcé du divorce ou de la rupture du PACS, comme cela était jusqu’à présent le cas.
Si ces formalités sont effectivement réalisées, la solidarité entre les époux ou partenaires cessera le lendemain de la première présentation de la lettre recommandée et bénéficiera également à la personne s’étant portée caution de la victime des violences.
Cependant, cette disposition ne joue que pour l’avenir, c’est-à-dire pour les dettes nées à compter de la date de la première présentation de la lettre recommandée. La victime et sa caution restent donc tenues des dettes contractées avant cette date.
Malgré ses inconvénients, cette mesure a le mérite d’inciter les victimes de violences conjugales à quitter leur logement, sans craindre de devoir continuer à payer des loyers pendant des mois voire le plus souvent des années, même si la meilleure solution reste l’accompagnement des victimes de violences conjugales.
La loi du 28 décembre 2019
Elle élargit les conditions de délivrance de l’ordonnance de protection.
Elle modifie les articles 515-9 et suivants du code civil et apporte une interprétation extensive de la notion de couple. Elle ouvre la possibilité aux victimes qui n’auraient jamais cohabité avec l’auteur de pouvoir solliciter l’octroi d’une ordonnance de protection
Elle accroit les compétences du juge pénal concernant l’autorité parentale .
L’accès au téléphone « grave danger » connaît une timide simplification.
Le dispositif du bracelet anti-rapprochement est étendu.
Elle prévoit que la victime peut, si elle le souhaite, rester dans le domicile du couple. Par ailleurs, si la victime quitte le logement, le texte prévoit, à titre expérimental pendant trois ans, la mise en place d’une aide financière pour son relogement (prise en charge de la caution ou de la garantie locative, avance des premiers mois de loyers..). En première lecture, un amendement adopté à l’Assemblée nationale prévoit que le préfet peut attribuer en urgence un logement aux victimes de violences sur le contingent de logements réservés à l’État.
Lorsqu’une interdiction de se rapprocher de la victime est prononcée, le respect de cette interdiction peut être contrôlé par le port (par le condamné) d’un bracelet anti-rapprochement. La pose du bracelet ne peut pas être réalisée sans le consentement du condamné. Si le condamné la refuse, il s’agit d’une violation des obligations qui lui incombent.
Le texte élargit également les conditions d’attribution d’un téléphone grave danger (TGD). Le procureur de la République peut attribuer un TGD à une victime si l’auteur est en fuite ou lorsqu’une demande d’ordonnance de protection est en cours devant le juge aux affaires familiales.
La loi du 30 juillet 2020 visant à protéger les victimes de violences conjugales
La loi a pour objectif de mieux protéger les victimes de violences conjugales. Elle autorise la suspension du droit de visite et d’hébergement de l’enfant mineur au parent violent. En cas de violence au sein du couple, l’inscription au fichier judiciaire des auteurs d’infractions sexuelles ou violentes est automatique (sauf décision contraire du juge) pour les infractions les plus graves. La loi décharge de leur obligation alimentaire les ascendants, descendants, frères ou soeurs de personnes condamnées pour un crime ou un délit portant atteinte à l’intégrité de la personne commis par un parent sur l’autre parent.
Le harcèlement moral au sein du couple qui a conduit au suicide ou à sa tentative est dorénavant puni d’une peine de dix ans de prison et de 150 000 euros d’amende.
La levée du secret médical devient possible lorsque les violences mettent la vie de la victime majeure en danger immédiat et que celle-ci se trouve sous l’emprise de son auteur. Le professionnel de santé doit s’efforcer d’obtenir l’accord de la victime. En cas d’impossibilité d’obtenir cet accord, il doit l’informer du signalement fait au procureur de la République.
La loi comporte aussi des mesures en matière de logement (jouissance du logement conjugal attribuée par principe au conjoint qui n’est pas l’auteur des violences même s’il a bénéficié d’un hébergement d’urgence), sur les étrangers victimes de violences familiales ou conjugales, sur l’aggravation des peines en cas de violation du secret des communications ou de géolocalisation par le conjoint et sur la protection des mineurs contre les messages pornographiques.
Loi du 28 février 2023 crée une aide universelle d’urgence pour les victimes de violences conjugales
La loi crée une aide universelle d’urgence pour les victimes de violences conjugales, sous la forme d’un don ou d’un prêt sans intérêt. Il s’agit d’aider ces victimes à quitter rapidement le foyer conjugal pour se mettre à l’abri et prendre un nouveau départ.
La demande d’aide se fait au moment du dépôt de plainte ou du signalement au Parquet et est transmise à la caisse d’allocations familiales (CAF) ou à la caisse de la Mutualité sociale agricole (MSA).
Les services de police devront informer les victimes de cette aide.
Le montant de l’aide peut varier suivant les besoins de la personne, dans la limite de plafonds.
L’aide ou une partie est versée très rapidement, dans les trois jours ouvrés (pour la victime non-allocataire, le délai pourra être de cinq jours). Pendant six mois, la victime pourra bénéficier des droits et des aides accessoires à l’allocation du revenu de solidarité active (RSA) comme l’octroi automatique de la complémentaire santé solidaire (C2S) et un accompagnement social et professionnel.