Mise à jour juillet 2024

Au sommaire

1. La cotitularité du contrat de bail

  • Qu’est-ce que la cotitularité légale ?
  • Qu’est-ce que la cotitularité conventionnelle ?
  • Quels sont les effets de la cotitularité ?

2. Les effets des évènements familiaux sur le contrat de bail

  • Que faire en cas de séparation ?
  • Que faire en cas d’abandon du logement ?
  • Que faire en cas de décès ?

3. Le cas des violences conjugales

  • Quelle est la définition des violences conjugales ?
  • De quelles mesures de protection disposent les victimes de violences conjugales ?

4. Les recours en cas de litige sur l’attribution du logement

  • Quel est le tribunal compétent ?

La règlementation des baux d’habitation prévoit des règles spécifiques applicables au logement en couple. Elles s’appliquent aux baux soumis à la loi du 6 juillet 1989, qu’il s’agisse de location vide ou meublée, de logements HLM ou conventionnés APL. Cette réglementation distingue selon que le logement est occupé par un couple marié, engagé dans un PACS ou en union libre (concubinage).Il convient alors de définir les différents statuts familiaux. Au plan du droit civil, le mariage est un acte juridique solennel par lequel deux personnes de sexe différent ou de même sexe s’engagent à vivre ensemble dans une union règlementée par la loi quant à ses conditions, ses effets et sa rupture. Le pacte civil de solidarité (Pacs) est un contrat conclu entre 2 personnes  majeures, de sexe différent ou de même sexe, pour organiser leur vie commune. Le concubinage est une union de fait, stable et continue entre 2 personnes de même sexe ou de sexe différent. La preuve du concubinage peut être rapportée par tous moyens (certificat de concubinage, témoignages, déclarations sur l’honneur). En cours de bail il peut arriver que des  évènements surviennent telle qu’une séparation, un abandon de domicile, des violences conjugales ou un décès.  L’objectif de cette note est donc d’analyser le régime juridique du bail d’habitation et plus précisément la cotitularité du bail d’habitation ainsi que les effets de la survenance de ces évènements familiaux sur le contrat de bail.

1. La cotitularité du bail d’habitation

Dans quel cas la cotitularité est-elle légale ?

Le mariage produit un effet immédiat sur le bail se traduisant par une cotitularité automatique : le bail est réputé appartenir à l’un et à l’autre des époux1.

Les conditions cumulatives pour bénéficier de la cotitularité sont : être marié, louer un local destiné à l’usage exclusif d’habitation des époux, l’existence d’un contrat de bail. Si ces conditions sont remplies, le bail du logement servant d’habitation familiale est censé être au nom des deux époux quel que soit le régime matrimonial des époux et le régime de la location (location vide ou meublée). Cette double titularité est une disposition d’ordre public. Aucune clause contractuelle ne peut y déroger.

Les locataires pacsés sont légalement cotitulaires du bail lorsqu’un seul des partenaires a signé le bail, mais qu’ils ont par la suite conjointement demandé au bailleur la cotitularité du bail2.

Dans quel cas la cotitularité est-elle conventionnelle ?

Les locataires sont cotitulaires du bail, peu importe leur statut familial, dès lors qu’ils ont conjointement signé le contrat de bail. La cotitularité découle donc de la convention.

Quels sont les effets de la cotitularité ?

a) L’obligation solidaire au paiement du loyer
Concernant les époux, du fait de la cotitularité légale, le bailleur a nécessairement deux débiteurs même si un seul des époux est signataire du bail. Mais c’est sur le fondement de l’article 220 du code civil que les époux sont solidaires du paiement des loyers, qualifiés de dettes ménagères.
Qu’ils aient ou non signé tous les deux le contrat de location, les partenaires liés par un Pacs sont eux aussi solidairement responsables des dettes contractées pour les besoins de la vie courante et pour les dépenses relatives au logement commun. Cela signifie que chacun d’entre eux peut être tenu au paiement de la totalité des sommes dues au propriétaire.

Enfin lorsque les concubins ont signé le bail tous les deux, ils sont tenus au paiement des loyers à titre personnel et pour leur quote-part : sauf stipulation expresse, chaque concubin est redevable de la moitié du montant du loyer et des charges. En effet, la dette de loyer n’est pas, par elle-même, indivisible.
Pour autant le bailleur insère fréquemment une clause imposant une solidarité entre les locataires. Chacun est alors tenu au paiement de l’intégralité des loyers, le bailleur pouvant réclamer la totalité du paiement à un seul de ses locataires.

b) La notification des actes en cas de congé
En cas de notification du congé au bailleur, les locataires mariés, Pacsés ou en union libre peuvent ne lui adresser qu’une seule lettre recommandée avec accusé de réception ; cependant il ne faut pas oublier d’y faire figurer les noms et signatures des deux locataires. Si les locataires choisissent d’envoyer chacun une lettre recommandée, l’envoi de ces lettres doit être fait de manière simultanée. Le congé donné par l’un des locataires est inopposable à l’autre, qu’il soit le titulaire originaire du bail ou pas. Il ne met donc pas fin au contrat à l’égard de l’autre.

L’époux sortant, même s’il n’est plus locataire, reste tenu de ses obligations. De même le congé donné par un seul des partenaires pacsés ne met pas fin à la solidarité légale qui ne cessera qu’au moment où la résiliation du PACS aura produit ses effets(3).

En cas de congé donné par le bailleur, il doit le notifier par lettre recommandée avec accusé de réception à chacun des locataires mariés, Pacsés ou en union libre. À défaut, l’acte qui n’a pas été notifié à chacun des locataires sera réputé inopposable à celui qui n’est pas visé dans l’acte, à l’exception de l’acte délivré par huissier(4).

2. Les effets des évènements familiaux sur le contrat de bail

Quels sont les effets d’une séparation sur le contrat de bail ?

a) En cas de mariage
Pendant l’instance en divorce, les règles protectrices de l’article 1751 continuent à s’appliquer. Un époux ne pourra disposer, seul, du droit au bail5.
Le juge du divorce peut décider de l’attribution du bail à l’un des ex-époux ; il prend en considération les intérêts sociaux et familiaux en cause, sous réserve des droits à récompense ou à indemnité au profit de l’autre. En pratique, si le conjoint souhaitant rester dans le logement a la garde de ses enfants ou s’il exerce sa profession dans les lieux loués, il obtiendra l’attribution du bail. Les époux restent tenus du paiement du loyer uniquement jusqu’au jour de la transcription du jugement de divorce à l’état civil(5).

b) En cas de Pacs
Lorsqu’après avoir donné congé, le locataire pacsé décide de quitter les lieux loués à la suite d’une séparation, il reste tenu au paiement du loyer et des charges et n’en sera libéré qu’à la résiliation du Pacs. Celui-ci prend fin soit lors de la mention en marge de l’acte initial de la déclaration conjointe lorsque le couple rompt le Pacs d’un commun accord ; soit, lorsqu’il s’agit d’une décision unilatérale, trois mois après la signification délivrée au partenaire ; soit, enfin, à la date du décès de l’un des deux ou du mariage.

c)En cas d’union libre
La règlementation ne prévoit pas de dispositif d’attribution judiciaire du bail. L’article 1751 du code civil ne s’applique pas aux personnes en union libre.
En cas de séparation et de cotitularité, les concubins devront se mettre d’accord sur celui qui demeurera dans le logement loué.
Lorsque les concubins ont signé tous les deux le contrat de bail et que seul l’un des deux donne congé :

  • si le bail ne contient pas de clause de solidarité : à la fin du préavis, le locataire ayant donné congé perd tous ses droits sur le logement et est libéré du paiement des loyers ;
  • à l’inverse, si le contrat de location contient une clause de solidarité : la solidarité du colocataire sortant prend fin à la date d’expiration de son délai de préavis, à la condition qu’un nouveau colocataire figure au bail. À défaut, son engagement prend fin, au plus tard, dans un délai de six mois à compter de la date d’expiration du délai de préavis.

Quels sont les effets de l’abandon du domicile sur le contrat de bail ?

a) En cas de mariage
En cas d’abandon de domicile par le locataire marié, le contrat de location continue de plein droit au profit de l’autre époux même s’il n’avait pas signé le bail et même si le logement ne servait pas exclusivement à l’habitation des deux époux6.

b) En cas de Pacs
Si le locataire pacsé est le seul qui ait signé le bail et qu’il abandonne le logement le partenaire restant bénéficie du transfert du bail et devient locataire du logement. Il n’est pas utile de satisfaire à la condition de communauté de vie effective d’une année. Un Pacs enregistré la veille de l’abandon de domicile suffit à assurer au partenaire le bénéfice de la continuation du bail. Il suffira de justifier qu’il était bien dans les liens d’un Pacs à la date de l’abandon.

c)En cas d’union libre
Le concubin du locataire, simple hébergé, peut poursuivre le bail et devenir locataire s’il remplit différentes conditions :

  • le concubin devait vivre effectivement avec le locataire avant l’abandon de domicile
  • le concubin devait vivre avec le locataire depuis au moins un an à la date de l’abandon
  • le concubinage devait être un concubinage «notoire», c’est à- dire fait de relations continues, stables et connues. Cela pourra être prouvé par tous moyens en cas de contestation. Le bailleur ne peut pas refuser le transfert du bail à l’ex-concubin de son locataire.

Quels sont les effets du décès sur le contrat de bail ?

a) En cas de mariage
Lorsqu’un conjoint décède, le conjoint survivant est pleinement titulaire du bail. Il dispose par ailleurs d’un droit temporaire de jouissance sur le logement et le mobilier le garnissant.
Le conjoint survivant dispose d’un droit exclusif sur le bail d’habitation
L’un des effets de la cotitularité du bail est que, lorsqu’un époux décède, son conjoint est pleinement titulaire du droit au bail ; le contrat de location se continue avec lui, quand bien même il aurait été signé par le défunt seul. Contrairement aux héritiers, le conjoint survivant ne peut s’exonérer de ses obligations en matière locative en renonçant à la succession de son conjoint.

b) En cas de Pacs
Si le partenaire Pacsé survivant était cotitulaire du bail, il dispose d’un droit exclusif sur le bail, sauf s’il y renonce expressément.
Si le locataire, unique signataire du bail décède, le contrat de location est transféré au partenaire survivant, s’il s’agit d’un logement soumis à la loi du 6.7.89 ou d’un logement HLM. Toutefois, si des ascendants, descendants ou personnes à charge du locataire, vivaient avec lui depuis au moins un an à la date du décès, le bail peut aussi leur être transféré.

c)En cas d’union libre
Si le concubin survivant était cotitulaire du bail, le bail se poursuit à son profit. Si le défunt était le seul signataire d’un bail soumis à la loi du 6 juillet 1989, le contrat de location est transmis au concubin notoire, sous réserve qu’il ait vécu au moins un an avec le locataire à la date du décès7.

Pour définir le terme de concubin notoire, il faudra s’attacher à l’existence simultanée des critères de stabilité, de continuité et de notoriété des relations existant entre les intéressés.

Si des ascendants, descendants ou personnes à charge du locataire, vivaient avec lui depuis au moins un an à la date du décès, le bail peut aussi continuer à leur profit.

L’abandon de domicile est caractérisé par un départ brusque et imprévisible du locataire. Il ne doit pas avoir été concerté préalablement entre conjoints, concubins ou partenaires de Pacs.

3. Le sort du logement cas de violences conjugales

Quelle est la définition des violences conjugales ?

Les violences envers les femmes ont été définies dans le cadre de la Convention européenne dite d’Istanbul ratifiée par la France le 4 juillet 2014.
Contrairement aux disputes conjugales, elles se réfèrent à un processus au cours duquel un partenaire, le plus souvent l’homme, utilise la force ou la contrainte pour perpétuer et/ou promouvoir des relations hiérarchisées et de domination dans le cadre d’une relation de concubinage, de Pacte civil de solidarité ou de mariage. Qui plus est, ces violences conjugales peuvent revêtir différentes formes dans les comportements familiaux.
Ainsi elles peuvent êtres physiques, psychologiques, sexuelles ou économiques.

Quelles sont les mesures de protection des victimes de violences conjugales ?

a) L’ordonnance de protection loi du 9 juillet 2010
L’objectif de cette ordonnance est de protéger, en urgence, les victimes de violences conjugales en permettant au JAF de prononcer des mesures d’ordre pénal ou civil temporaires (6 mois) telles que l’attribution du logement, l’éviction de l’auteur des violences, la dissimulation de la nouvelle résidence en cas de départ du logement. Le JAF peut statuer sur la résidence séparée des époux en précisant lequel des deux continuera à résider dans le logement conjugal ou préciser lequel des partenaires liés par un PACS ou des concubins continueront à résider dans le logement commun. Le principe est le maintien du conjoint non violent dans le logement. Il statue également sur les modalités de prise en charge des frais afférents à ce logement.

b) Logement social et individualisation des ressources de la victime : Loi ALUR
Pour faciliter l’accès au logement social des personnes victimes de violences, la loi du 24 mars 2014 pour l’accès au logement et un urbanisme rénové (ALUR), permet que seules leurs ressources soient prises en compte lors d’une demande de logement social. Ainsi lorsque le demandeur d’un logement social est notamment dans une situation d’urgence attestée par une ordonnance de protection délivrée par le juge aux affaires familiales, les seules ressources à prendre en compte sont celles du requérant au titre de l’avant dernière année précédant celle de la signature du nouveau contrat.

c) La loi du 4 aout 2014 pour l’égalité réelle entre les hommes et les femmes
L’éviction du conjoint violent du domicile devient la règle.
Le conjoint, le partenaire lié par un Pacs ou le concubin violent dont l’expulsion du domicile est ordonnée par le JAF dans le cadre d’une ordonnance de protection ne peut invoquer les diverses garanties procédurales retardant l’expulsion prévues dans le cadre du code des procédures civiles d’exécution.
Dès lors les intéressés ne peuvent faire valoir les dispositions qui prévoient :
• le bénéfice du délai de 2 mois suivant la délivrance d’un commandement de quitter les lieux8
• la possibilité d’obtenir des délais renouvelables lorsque le relogement ne peut avoir lieu dans des conditions normales9
• le sursis à exécution de la mesure d’expulsion pendant la trêve hivernale, qui court du 1er novembre de chaque année au 31 mars de l’année suivante10

d) Les apports de la loi ELAN : les victimes de violences conjugales ne sont plus tenues de payer leur loyer après leur départ du logement
Le nouvel article 8-2 de la loi de 1989 prévoit que le départ du logement d’une victime de violences conjugales fait cesser la solidarité entre les locataires, permettant ainsi au membre du couple victime de violences de ne pas régler sa part des loyers.
Pour que la victime des violences conjugales soit délivrée de son obligation de payer les loyers, elle doit en informer le bailleur par lettre recommandée avec avis de réception, en accompagnant cette lettre d’information d’une copie de l’ordonnance de protection délivrée par le juge aux affaires familiales ou d’une copie de la condamnation pénale de son conjoint ou partenaire pour des faits de violences conjugales.

4. Les recours en cas de litige sur l’attribution du logement

Quel est le tribunal compétent ?

En cas de séparation, d’abandon du domicile ou de décès du locataire le tribunal de proximité du lieu de l’immeuble est compétent pour régler les litiges relatifs à l’attribution du logement notamment si le locataire avait des ascendants, descendants ou personnes à sa charge qui vivaient avec lui depuis au moins un an à la date du décès ou de l’abandon du domicile.

Par ailleurs depuis la loi ALUR, en cas de dissolution du PACS, l’un des partenaires peut saisir le juge du tribunal de proximité aux fins de se voir attribuer le droit au bail du local qui sert effectivement à l’habitation des deux partenaires, sous réserve des créances ou droits à indemnité au profit de l’autre partenaire.
En cas de divorce ou de violences conjugales le tribunal compétent est le tribunal judiciaire. En effet le juge aux affaires familiales (JAF) décide de l’attribution de la jouissance du logement à l’un des ex-époux. Il est aussi compétent pour délivrer une ordonnance de protection à la victime de violences conjugales.

Dans ce cas le juge peut être saisi par la personne en danger, si besoin assistée, ou par le ministère public à condition que l’intéressé donne son accord. Il est saisi soit par requête remise ou adressée au greffe, soit par assignation en la forme des référés. Les parties se défendent elles-mêmes ; elles peuvent néanmoins se faire assister ou représenter par un avocat(11).